Allaiter un bambin, c’est pas un peu malsain ?

Qu’on se le dise :
La recommandation de l’OMS est : un allaitement de 2 ans au moins dont les 6 premiers mois exclusivement. (En France on commence la diversification à 5 mois environ).
Voir un morceau de sein nourricier dans un square serait plus malsain qu’un sein nu sur une serviette de plage qui ne choque personne ?

La courte durée du congé maternité est frein considérable à l’allaitement.
L’idée selon laquelle l’hygiène de vie de la mère allaitante devrait être irréprochable est aussi un frein à l’allaitement.

L’idée selon laquelle l’allaitement est un asservissement et que toute femme allaitante ne serait plus qu’un sein est aussi un frein inconscient à l’allaitement.

Le regard réprobateur des passants, celui d’une femme qui quitte un square dans lequel nous étions installés (en premier), seuls, mon enfant et moi, disant à voix suffisamment haute pour nous mettre mal à l’aise « ah non je ne peux pas voir ça ».

Les débuts de l’allaitement ne sont pas toujours simples, mais à 2 ans et demi, un bambin qui tète est un enfant qui tète si bien que le sein apparaissant au travers d’un t-shirt un peu grand, d’une écharpe, n’est plus assimilable qu’à un petit morceau de peau, si peu différent des ventres que laisse apparaitre la mode des crop-tops !

En 2 ans et demi, c’était la première fois que j’entendais une telle phrase. Les regards qui diraient « vous me gênez », nous nous y sommes habitués, et j’aime croire que mon fils ne les a jamais remarqués. Mais cette phrase-là, mon étonnement, il les a réalisés. Je ne crois pas lui en avoir parlé. Et pour rien au monde je ne déciderai sur un coup de tête, d’agacement, de le sevrer totalement.

Dans une période du tout contrôle, notre fenêtre de liberté à nous, est là et je ne pensais pas devoir le revendiquer de cette manière puisque c’était si naturel.
Il y a quelques mois, une femme allaitant un nourrisson a été giflée… par une femme plus âgée.
Avons-nous tant perdu la raison ? Celle qui dit qu’un enfant ayant soif ou faim peut recevoir un peu de lait de sa mère sans que personne ne s’en mêle ?

A peine la grossesse entamée devons-nous répondre à la question « du projet de grossesse », puis du « projet » post-partum. Depuis le fameux discours d’Emmanuel Macron candidat, tout devrait être projet ?
Je ne me souviens pas d’avoir évoqué l’allaitement comme projet, comme objectif, j’ai simplement eu la chance de pouvoir allaiter mon enfant sans me poser de question, et finalement ma victoire ce n’est pas d’avoir allaité mon fils 2 ans et demi, c’est d’avoir su m’écouter, nous écouter.

Lors de son premier mois de vie, la pédiatre nous conseillait d’espacer les tétées de 3 heures à coup de Polysilane donné pour « le faire tenir ». Au bout de quelques jours, j’ai senti que quelque chose clochait et je me suis écoutée, épaulée par mon mari si attentif, aimant et bienveillant. Ma chance a été celle-là, celle d’avoir réussi à nous faire confiance et à laisser de côté les réveils, les conseils, le Polysilane pour reprendre nos bonnes tétées à volonté. Je n’ai aucune idée du nombre de tétées maximum qui nous guidait. Mon fils était simplement contre moi une bonne partie de la journée et j’allaitais comme j’aurais pris un verre d’eau, c’était tout à fait naturel.

Jusqu’à ses 6 mois, les regards étaient tous bienveillants. « Oh c’est bien d’allaiter, vous avez raison ». Bien-sûr, l’espacement des fameuses 3 heures (temps de vidange gastrique pour un enfant nourri au lait artificiel) revenait souvent, mais nous avons su ne pas y prêter attention. Je ne travaillais pas, j’étais étudiante à distance, ça a été une grande chance. Combien de femmes ont la possibilité, le temps, le mari présent, pour s’écouter, se faire confiance, observer leur enfant ?

Par pitié, le choix d’allaiter ou pas n’est pas toujours évident mais une fois pris respectons-le. Qu’il entrave vos vies, vos regrets, vos joies ne nous regarde pas.

Devenir parent c’est aussi apprendre que rien n’est inné que tout évolue et que l’on s’adaptera mais surtout écouter et s’écouter, sans jugement, sans regard réprobateur.
Aujourd’hui je tâche de cacher le moindre morceau de peau qui dépasserait de mon chemisier, je demande à mon fils de remonter mon t-shirt dès qu’il a terminé « un côté ». Quelle image je lui donne de l’allaitement, le goût de la honte de nourrir son enfant ? Je fais tout pour qu’il ne s’aperçoive de rien, qu’il ne perçoive ni ma gêne ni mon agacement mais forcément quand sa grand-mère nous demande de cesser les tétées publiquement en sa présence, ce que nous respectons, nous ne pouvons nous empêcher de nous justifier de chacune d’entre elles.

J’ai toujours souhaité tout contrôler dans ma vie, anticiper pour mieux m’adapter. L’allaitement est la seule chose qui je fasse sans me poser de question, à la demande, dans la douceur, une parenthèse dans nos rythmes de vie parfois effréné.
Laissez-nous le savourer sans vous offusquer, avec ou sans bout de peau qui, grand Dieu, dépasserait. Regardez plutôt l’échange qui se créée, le regard de l’enfant satisfait, les caresses de sa mère, et les « c’est bon maman » pleins de tendresse. Est-ce si difficile à voir ? A saisir ? Est-ce que vraiment, j’entrave la pudeur requise par ces quelques minutes durant lesquelles il est possible de voir, sur un banc, dans un square, un morceau de peau nourricier ?

Le sein est sexuel, les bouches aussi et pourtant qui ne s’attendrirait pas devant un baiser volé sur le quai d’une gare, surtout après l’épidémie qui nous en a empêchés ?

La tendresse peut-elle détrôner la pudeur ?

L’alimentation peut-elle envoyer vaciller la pudeur le temps d’une tétée ?

Les freins à l’allaitement sont si nombreux, pourrions-nous en faire voler au moins un ? Pourrions-nous cesser de nous juger ?

A ceux qui se sont offusqués de nos tétées, la prochaine fois que nous croiserez (dépêchez-vous il demande de moins en moins « Ney-ney »), pourriez-vous observer ses petits pieds, ses mains potelées, mes caresses sur ses cheveux, et son saut du banc pour vite aller jouer une fois rassasié? Qui sait, cela pourrait même vous décrocher un rictus au coin des lèvres, et nous laisser savourer notre petit instant de bonheur avant qu’il grandisse si vite qu’il me demande dans 20 ans s’il a été allaité ou non.

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